Depuis sa création, le sionisme est sans aucun doute l’un des mouvements politiques qui ont suscité le plus de controverse. C’est également l’une des idéologies les plus meurtrières. Cependant, il est considéré comme marginal en termes de nombre d’adhérents. Mais, en ce qui concerne les écrits, les articles et les livres publiés, le sionisme occupe une position dominante dans les médias, les études académiques et la politique internationale. Il est indéniable qu’il s’agit d’un sujet important dans les domaines de la science politique, de l’histoire et des sciences sociales.
Le sionisme est à l’origine d’une des actions politiques les plus improbables de l’histoire, où des individus d’un peuple ou d’une communauté décident qu’il est temps de retourner sur leur terre qu’ils ont quittée il y a deux mille ans.
Le sionisme provoque de l’irritation, de l’incompréhension, de l’offense et même de l’indignation, en plus de causer la mort. D’aucuns sont gênés par son arrogance et ses comportements cavaliers, ainsi que par la violence de certains de ses discours et de ses actions inhumaines. Il est également étrange car il se présente souvent comme vainqueur d’un côté et comme victime de l’autre.
Dans son dernier rapport sur la situation israélo-palestinienne, l’ONG Human Rights Watch, déclare que l’État Hébreu correspond désormais à un État d’apartheid, sur la base de la définition d’un traitement différencié des citoyens en fonction de leur origine ethnique ou religieuse.
Il n’y a pas de solution simple à ce conflit, mais refuser de reconnaître la légitimité de chacun ne peut qu’empêcher la paix de se réaliser. Ce drame ne se limite pas aux confits israélo-palestiniens, qui sont ceux qui se produisent entre les Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza et les Israéliens, ni aux confits israélo-arabes, qui sont ceux qui se constituent entre Israël et ses voisins plus ou moins éloignés, tels que l’Iran. Il englobe également les confits entre les Juifs et les Palestiniens de l’État d’Israël. De part et d’autre, beaucoup de citoyens israéliens ne sont pas sionistes. La situation est extrêmement complexe.
Cette tragédie est partagée par les Israéliens et les Palestiniens. Le chemin qui conduit à la paix est long et il est inévitable qu’il traverse la voie difficile de l’autocritique.
Pour rappel, voici quelques causes de la recrudescence de la violence dans la région :
1- En Syrie, on assiste à l’annexion par Israël du Plateau du Golan depuis la guerre des Six jours en 1967.
2- Au Liban, nous constatons l’occupation continue par Israël des fermes de Chabha au sud Liban, son appui militaire aux milices chrétiennes du sud Liban, créées avec l’aide d’Israël, et son désir de désarmer les milices du Hezbollah ; violations fréquentes de l’espace aérien et maritime libanais.
3- En Palestine, les forces israéliennes refusent de se retirer des terres palestiniennes occupées depuis 1967, et ce en dépit des résolutions des Nations Unies, expropriations des terres des Palestiniens et construction de colonies dans le désert du Néguev et en Cisjordanie occupée, emprisonnement d’environ cinq milles Palestiniens dont des enfants, blocus terrestre et maritime imposé à Gaza et ce en dépit du « retrait » d’Israël de ce territoire, chantage à propos de l’argent des impôts collecté par Israël et dû à l’Autorité palestinienne; désir d’annexer la Mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem (en fait tout Jérusalem Est pour faire de cette ville multiconfessionnelle la capitale d’Israël), sous prétexte qu’elle a été construite sur un vieux temple hébreu; discrimination dans la distribution de l’eau (potable et d’irrigation) ; vexations et exactions quotidiennes, etc.
Aujourd’hui, il y a tant à dire sur la tragédie humaine qui frappe le peuple palestinien depuis que leur terre est colonisée par Israël. En s’appropriant les huit dixièmes du territoire palestinien depuis sa création illégitime en 1948, Israël a mis fin à la nationalité palestinienne et a porté un rude coup à l’identité de ce peuple. Ceux qui sont restés dans la partie du territoire palestinien occupé par Israël sont devenus Israéliens. Mais des Israéliens de seconde division, discriminés sur la base de leur foi et leur identité et minorés en fonction de leur statut de colonisés.
Les deux-tiers des Gazaouis vivent dans des camps de réfugiés et dont les familles ont été expulsées de leurs villes ou villages en 1948 lors des agressions des pionniers sionistes. Ils sont demeurés des réfugiés sur leur propre terre de génération en génération depuis cette année-là.
En outre, suite à une intense bataille pour le pouvoir dans la bande de Gaza entre le Hamas, un parti islamiste, et le Fatah, le parti de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbass, le Hamas a remporté les élections législatives du 25 janvier 2006 pour choisir un nouveau Conseil législatif palestinien.
Le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza après sa victoire. Il convient de noter que la plupart des femmes ont voté pour le Hamas. Le Fatah quitte la bande de Gaza et contrôle uniquement la Cisjordanie, enfin si cela peut être considéré comme un contrôle lorsque l’on est sous occupation sioniste. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, a en fait une autorité bien limitée.
La mission d’observation des élections mandatée par l’Union européenne a ouvertement déclaré que les élections législatives se sont déroulées en toute transparence et régularité. Cependant, l’Union Européenne ne reconnaît pas les résultats qui ont conduit à la victoire du Hamas, qu’elle considère depuis comme un groupe terroriste. Alors qu’il proclamait la victoire du Hamas, Israël, qui avait fondé et financé le mouvement Hamas dans le but de discréditer le Fatah, a travaillé avec acharnement pour saboter les élections.
Depuis que le Hamas a remporté la bande de Gaza en juin 2007, il y a eu une lutte entre ce parti et le Fatah qui a conduit à des tensions entre eux. Les dirigeants israéliens sont particulièrement déterminés à asphyxier la population gazaouie, politique soutenue par les pays occidentaux qui ne reconnaîssent pas l’autorité du Hamas.
Depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en juin 2007 et que l’Egypte a fermé son poste-frontière de Rafah, Israël a imposé un blocus qui an entravé la vie sociale et économique des Gazaouis. Le projet de loi est toujours en vigueur en 2023, soit 17 années plus tard. L’ONU estime que le blocus de Gaza par Israël a coûté environ 17 milliards de dollars.
Israel limite l’accès maritime à Gaza et interdit le transport maritime. La ville est également empêchée de construire des installations portuaires. Au risque de se faire tuer par les gardes frontières israéliens, les pêcheurs ne peuvent pas pêcher au large et doivent se contenter de naviguer dans la zone proche de la côte.
Il est interdit aux Palestiniens de voyager entre Gaza et la Cisjordanie. Ainsi, les familles ne peuvent pas se rendre visite. Depuis 2008, Israël a perpetré des bombardements massifs sur Gaza. La guerre actuelle démontre l’impact dévastateur des bombardements incessants et des tirs d’artillerie lourde sur la population civile. En 48 jours de conflit, presque 15 000 civils Palestiniens ont perdu la vie, dont au moins six mille enfants. Et le bilan humain devrait s’alourdir. Plus d’un million de Gazaouis sont déplacés ou blessés et des milliers de logements sont détruits. Ce scénario cauchemardesque se déroule à Gaza et en Cisjordanie où des localités comme Naplouse, Jénine, Khan Younes, Rafah, Bayt Hanoun, et d’autres sont attaquées par des armes explosives.
Selon le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU, la crise devrait toucher deux millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire urgente. Les rapports continuent à faire état de civils pris au piège dans des villes bombardées. De graves pénuries de fournitures de santé essentielles, de carburant et de liquidités sont signalées sur le territoire palestinien, l’insécurité accrue affectant l’accès aux services de base.
Le Bureau est particulièrement préoccupé par la situation des personnes handicapées, des personnes âgées ou vulnérables, qui sont confrontées à des difficultés considérables pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, comme la recherche d’un abri et l’accès à la nourriture. Elles sont piégées et laissées pour compte. Elles ont besoin d’accéder à l’information, mais aussi à des voies d’évacuation sûres, à des abris et à des fournitures médicales vitales.
La communauté internationale est profondément inquiète des pertes humaines et des dommages civils considérables causés par l’utilisation d’armes explosives lourdes dans les zones peuplées, mais aussi par des armes interdites au niveau international comme les armes à sous-munitions.
Les bombardements et les tirs d’artillerie dans les villes palestiniennes ont également causé l’endommagement et la destruction d’infrastructures civiles comme les habitations, les hôpitaux, les écoles, les systèmes d’approvisionnement en eau, en électricité et infrastructures d’assainissement et les réseaux de communication, perturbant l’accès aux services essentiels.
Les restes d’explosifs de guerre contamineront les terres et affecteront les communautés longtemps après la fin de la guerre.
Nous demandons un cessez-le-feu permanent et le respect du droit international, y compris un accès sans entrave à l’aide humanitaire. Il est indispensable de mettre fin à l’intervention militaire pour protéger la vie des civils.
La communauté internationale doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher qu’une telle situation ne se reproduise. Les événements en Palestine démontrent à quel point il est urgent d’adopter la déclaration politique contre l’utilisation d’armes explosives en zones peuplées.
L’extermination des Gazaouis mise en œuvre par l’Etat sioniste qui a fait des milliers de victimes est un vrai génocide au sens littéral du terme. La crise sanitaire s’ajoute à la crise humanitaire. L’impact de l’invasion sur les femmes et les enfants est catastrophique.
En droit international, le génocide est reconnu depuis 1948 par la convention des Nations unies, qui énumère une série de crimes le constituant, dont le meurtre commis « avec l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Y a-t-il une possibilité de paix entre Israël et les Palestiniens, ou devons-nous simplement nous habituer à des guerres périodiques qui privent les deux parties de la paix et de la stabilité qu’elles recherchent? Renoncer à la diplomatie, c’est accepter l’inacceptable : la guerre éternelle.
L’histoire du conflit israélo-palestinien est parsemée de plans de paix ratés, de conférences diplomatiques effondrées et de médiateurs désabusés. Pourtant, même au milieu des horreurs de la guerre sur Gaza, les appels à une éventuelle solution à deux États restent vivants et se font de plus en plus entendre.
Le retrait des forces coloniales militaires et civiles de la bande de Gaza et de Cisjorndanie est la condition sine qua non pour établir la paix, offrant une opportunité pour le peuple palestinien de fonder un état palestinien enfin indépendant et souverain.
Il n’y a qu’une seule voie à suivre à Gaza : la solution à deux états. Elle paraît faisable d’un point de vue géographique, à condition que soit trouvé un compromis sur les territoires à échanger.
La principale barrière à la résolution à deux États est de nature politique. L’arrêt des négociations israélo-palestiniennes après la création d’un gouvernement d’union nationale palestinien intégrant le Hamas au printemps 2014 démontre que le chemin à suivre est encore long.
Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Par conséquent, l’idée d’un État palestinien n’était plus à l’ordre du jour ni sur l’agenda politique israélien ni sur l’agenda international. Même lorsque l’ancien président des États-Unis Donald Trump avait proposé en 2019 “l’accord du siècle”, où il évoquait encore l’hypothèse d’un tel État en le conditionnant, la conditionnalité était d’accepter un État partiel, n’ayant pas d’armée et sans espace aérien indépendant moyennant un méga projet de développement économique de 50 millards de dollars.
En revanche, Trump tourne le dos aux résolutions des Nations Unies et ne prend pas en compte les aspirations nationalistes des Palestiniens. Il a annoncé Jérusalem comme capitale d’Israël, l’annexion de certaines parties de la vallée du Jourdain en Cisjordanie occupée, en abolissant le droit au retour des Palestiniens. Ce « deal » n’a pas été entériné par le Fatah et le Hamas.
Par ailleurs, les régimes arabes accordaient une portion incongrue à la Cause palestinienne dans leurs agendas de politique étrangère pendant longtemps. La guerre actuelle vient envenimer les relations entre les deux belligérants d’une part et remettre le conflit israelo-palestinien à l’ordre du jour.
La théorie des deux États repose sur l’idée que nous sommes confrontés à deux nationalismes : le sionisme et le mouvement de libération national palestinien, chacun revendiquant un État-nation. Les accords d’Oslo, qui ont été signés en 1993, ont une importance historique car ils ont formellement acté cette revendication et cette perspective.
Dès lors que les accords d’Oslo n’ont pas été mis en exécution et que la colonisation de la Cisjordanie n’a cessé de s’étendre sur le terrain, la création d’un État palestinien viable devient de facto lointaine mais plus cruciale que jamais.
Maintenant que la catastrophe humanitaire à Gaza a remis la question au premier plan, il est clair qu’il ne peut y avoir de résolution sans quelques étapes décisives vers une solution à deux États malgré l’escalade de la violence et même si les obstacles sont énormes.
Les extrémistes des deux côtés veulent contrôler toutes les terres entre le fleuve et la mer par tous les moyens nécessaires. Si l’un ou l’autre gagne du terrain, cette guerre deviendra encore plus meurtrière qu’elle ne l’est déjà.
La démarche optímale est donc d’adopter la perspective renouvelée d’une solution à deux États pour galvaniser rapidement les forces modérées des deux parties. Une telle conjecture ne s’appliquera pas sans un engagement international fort et soutenu des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie, et de tous les États arabes.
Cependant, après les horreurs de ce génocide, comment les deux parties pourraient-elles choisir de se rapprocher plutôt que de s’éloigner? L’expérience européenne fournit une leçon significative dans ce domaine. De nouveaux mouvements sociaux et coalitions politiques doivent être créés et appuyés par les partisans d’une paix durable. Pour créer une nouvelle entité politique, l’Europe a surmonté deux siècles de guerres provoquées par des divisions profondes entre les ethnies, les religions, les politiques et les cultures.
Le « vieux continent » est devenu un nouveau type d’entité politique moins d’une décennie après la Seconde Guerre mondiale, avec ses guerres religieuses et nationalistes, ses intrigues de grande puissance et le redécoupage sans fin des frontières nationales. Il est maintenant temps pour les Israéliens et les Palestiniens qui cherchent la paix d’oser envisager un avenir identique pour eux-mêmes. Comme dit le proverbe chinois « Paix et tranquillité, voilà le bonheur ». Si l’Europe pouvait le faire, le Moyen-Orient peut également.
*Professeur universitaire, président du Centre Sud-Nord pour le dialogue interculturel et les études sur la migration au Maroc